Extrait de JEUNESSE EN EXTASE 2 de Carlos Cuauhtémoc Sánchez - Editions Selectas Diamante, México 1997, p. 168.Engagement d’amour profond
Écrit en espagnol par notre ami Julio César
(Trad. Diane Leduc)Un maître connu s’est retrouvé devant un groupe de jeunes qui étaient contre le mariage. Ces jeunes argumentaient que le romantisme constituait le vrai lien entre les couples et qu’il était préférable de laisser la relation quand elle est terminée au lieu de s’enfoncer dans la profonde monotonie du mariage.
Le maître leur dit qu’il respectait leur opinion, mais qu’il aimerait leur raconter le fait suivant :
Mes parents sont restés 55 ans mariés. Un matin, ma mère descendait les escaliers pour préparer le déjeuner à mon père et elle a eu un infarctus. Elle est tombée. Mon père la ramassa, la leva comme il put et la mit de toutes misères dans sa camionnette. Il la conduisit à l’hôpital à toute vitesse, sans respecter les arrêts. Malheureusement, quand ils sont arrivés, elle était déjà morte.
Durant l’exposition funéraire, mon père ne parla pas, son regard était perdu. Il n’a presque pas pleuré. Cette nuit-là, nous nous sommes réunis avec lui. Dans une ambiance de douleur et de nostalgie, nous nous rappelions de belles anecdotes. Il a demandé à mon frère théologue où pouvait se trouver notre mère en ce moment. Mon frère s’est mis à parler de la vie après la mort, essayant avec toutes sortes de conjectures de savoir où elle pouvait être. Mon père l’écoutait avec attention. Tout d’un coup, il demanda “amenez-moi au cimetière”. “Papa, il est 11 heures du soir ! Nous ne pouvons pas aller au cimetière maintenant! » Il éleva la voix et avec un regard vitreux, nous a dit « Ne discutez pas avec moi s’il vous plaît, ne discutez pas avec l’homme qui vient de perdre celle qui a été son épouse durant 55 ans. » Il y eut un moment de silence respectueux. Nous nous sommes tus.
Nous sommes allés au cimetière, nous avons demandé la permission au gardien, et avec une lanterne, nous sommes arrivés à la tombe. Mon père la caressait, priait et nous a dit d’imaginer cette scène émouvante : ce fut 55 bonnes années….. vous savez ? Personne ne peut parler d’amour véritable s’il n’a aucune idée de ce que c’est que de partager sa vie avec une femme comme elle ». Il fit une pause et s’essuya le visage.
« Elle et moi étions ensemble lors de cette crise. J’ai changé d’emploi. Nous avons fait nos valises, nous avons vendu la maison et nous sommes déménagés de ville. Nous avons eu la joie de voir nos enfants terminer leurs études, nous avons pleuré l’un à côté de l’autre la perte d’êtres chéris, nous avons prié ensemble dans la salle d’attente de certains hôpitaux, nous nous supportions dans la douleur, nous nous embrassions à chaque Noël, et nous nous pardonnions nos erreurs…..et maintenant, mes enfants, elle est partie et je suis content. Vous savez pourquoi? Parce qu’elle est partie avant moi, elle n’a pas eu l’agonie et la douleur de m’enterrer, de rester seule après la mort. Je suis celui qui passe à travers cela et je remercie Dieu. Je l’aime tellement que je n’aurais pas voulu qu’elle souffre. »
Quand mon père eut terminé de parler, mes frères et moi avions le visage baigné de larmes. Nous l’embrassions et lui nous consolait : « Tout est bien, mes enfants, nous pouvons partir à la maison; ce fut une bonne journée ».
Cette nuit-là, j’ai su ce que c’était l’amour véritable. C’est très loin du romantisme, ça n’a rien à voir avec l’érotisme, peut-être faut-il y travailler et y donner le soin que professent deux personnes réellement engagées. »
Quand le maître eut terminé de parler, les jeunes universitaires ne pouvaient pas le relancer. Ce type d’amour était quelque chose qu’ils ne connaissaient pas.